6 juillet 1959
Mon cher Aranda,
Juan Luis m’a donné votre lettre à laquelle je ne réponds que maintenant et de manière succincte. Je m’excuse d’avance si ces quelques lignes vous paraissent trop concises et sèches, je suis un bien piètre correspondant.
J’ai lu votre article dans le CINEMA 57 et je vous remercie pour votre intérêt et votre bienveillance à mon égard mais je dois vous prévenir qu’il est rempli d’inexactitudes sûrement liées aux sources.
Vous m’avez attribué certaines paroles que je n’ai jamais exprimées telle que : « Il faut aimer l’histoire et la simplicité chronologique, etc. » (Page 16). Ma mère n’est ni issue d’une riche famille, ni noble. La photo de « Bunuel, en 1927, lors d’une retraite » est en réalité un Bunuel habillé en moine parce que j’étais, entre autres, figurant dans le film de Epstein, « MAUPRAT ». […] Je n’ai jamais appartenu au Parti Communiste, ni de 1935 à 1937, ni jamais. […]
Mon amitié avec le curé des Hurdes est beaucoup trop exagérée. Je n’ai jamais lu, ou alors partiellement et rapidement, les Saintes Ecritures et serai incapable de citer même un seul paragraphe. […]
Je n’ai jamais suivi la coutume de manger de la viande crue afin d’imiter les tribus primitives.
Je ne comprends pas, et n’arrive pas à savoir ce que vous voulez dire, lorsque vous dites que la musique classique est employée dans mes films comme une flagellation masochiste. Ni Epsetein, ni Dulac, ne m’ont invité à participer aux « Chansons filmées », je ne vois même pas de quel film il s’agit.
J’ai grandement participé à la « fière révolution surréaliste ». Je n’ai jamais écrit et ne me suis pas occupé de « Notre Natacha ». […]
Comme attaché à l’ambassade de Paris, je ne me suis occupé que du matériel dûment rodé en Espagne et ai demandé à un moment de faire une film dont le nom m’échappe aujourd’hui. Mais je ne suis jamais allé au-delà de ces tâches. Je n’ai rien eu à voir avec « LA TERRE D’ESPAGNE », ni même avec le « COEUR D’ESPAGNE ». Etc. etc.
Après ces diverses déclarations, vous pourrez observer que je ne reviens absolument pas sur vos appréciations personnelles. Je me suis simplement contenté de relever les erreurs d’information.
Je vous préviendrai s’il m’arrive de passer par la France afin que nous puissions nous rencontrer.
Cordialement,
BUNUEL
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